Dans le cadre de la Journée mondiale de prévention du suicide, le CR-IUSMM vous présente le portrait de l’infirmière et chercheure Christine Genest.
Œuvrant au sein de l’équipe du Centre d’études sur le trauma du CR-IUSMM, Dre Genest mène des recherches qui portent principalement sur la prévention du suicide, plus spécifiquement chez le personnel de la sécurité publique comme les agents correctionnels et les premiers répondants.
Durant ses études en sciences infirmières, elle travaille à temps partiel en pédopsychiatrie. À la suite de cette expérience, elle réalise que contrairement aux aspects procéduraux des soins infirmiers, le contact humain est vraiment essentiel pour elle. Elle poursuit donc son parcours académique en complétant un doctorat à l’Université de Montréal porté sur la résilience des familles à la suite du suicide d’un adolescent. À travers ses recherches, elle constate d’abord que les policiers et les premiers répondants ne sont pas toujours bien outillés pour intervenir adéquatement auprès des familles, mais surtout, elle réalise à quel point ils sont témoins de scènes difficiles et de détresse inimaginable. C’est ainsi que Dre Genest a décidé d’aller plus loin et de s’intéresser aux conséquences que ce genre de situations peuvent avoir à long terme sur la santé mentale du personnel de la sécurité publique. Actuellement, ses projets portent d’ailleurs sur une sous-population, soit les agents des milieux correctionnels.
Concrètement, les agents correctionnels ont tendance à minimiser l’impact que les tâches, l’organisation et le lieu de travail peuvent avoir sur leur santé mentale. Ils sont souvent témoins de violence et entendent des récits difficiles. Ils se doivent d’être forts, impassibles et hésitent même à aller chercher de l’aide de peur d’être jugés. Aussi, lorsqu’ils désirent recevoir du soutien, ce soutien leur semble être inadéquat et insuffisant. Dans une vision écologique, les agents correctionnels sont donc une population à risque de développer des problèmes de santé mentale et par le fait même, de développer des comportements suicidaires. Il faut donc, selon Dre Genest, normaliser la vulnérabilité des gens qui pratiquent ce métier, et valoriser la recherche d’aide et le soutien par les pairs. Elle travaille donc avec le Ministère de la Sécurité publique, en collaboration avec son collègue chercheur Steve Geoffrion, au développement d’un programme de transfert de connaissances pour les employés incluant des ressources adaptées à leurs réalités et des interventions variées selon le personnel visé (prévention, intervention générale, intervention personnalisée, risques suicidaires, etc.).
Plusieurs mentors l’ont accompagnée tout au long de son parcours comme Francine Gratton, chercheure en prévention du suicide à l’Université de Montréal, ainsi que Caroline Larue, qui l’inspire comme chercheure en sciences infirmières et qui l’a invitée à se joindre à l’équipe du CR-IUSMM. Il faut également souligner le plaisir que Dre Genest a de travailler avec Steve Geoffrion, chercheur au CR-IUSMM. Elle apprécie sa façon de faire de la recherche, de manière participative, en favorisant le transfert de connaissances et l’obtention de résultats utiles sur le terrain.
Qu’est-ce qui va vous amener à choisir ce domaine de recherche?
C’est le besoin de contact humain, le lien avec l’individu et surtout d’avoir un impact concret. J’aime prendre le temps de discuter, c’est donc pourquoi je fais des études qualitatives. C’est dans le but de rencontrer les gens et prendre le temps de connaître leur histoire. Aussi, mon conjoint est pompier et militaire, et les récits de ses journées de travail m’ont fait prendre conscience du fait que de percevoir la détresse des autres peut être troublant. La scène n’est pas obligée d’être sanglante pour être bouleversante.
Quel est le projet ou l’accomplissement dont vous êtes le plus fière dans votre carrière?
Je suis très fière d’avoir collaborer à la mise sur pied d’un programme de pairs aidants pour les étudiants de la Faculté des sciences infirmières de l’Université de Montréal vivant des moments difficiles et ayant besoin de soutien psychologique. Je suis aussi très heureuse d’avoir reçu le prix d’excellence en enseignement décerné par l’Université de Montréal en 2022. C’est un honneur pour moi d’inspirer les étudiants et de leur insuffler une passion pour la santé mentale.
Qu’est-ce qui vous motive à poursuivre vos recherches?
Je suis motivée par l’assurance que je peux réellement changer les choses, et par conséquent, améliorer le quotidien et la santé mentale des soignants, des patients et du personnel de la sécurité publique.
Quels conseils aimeriez-vous transmettre à la communauté de nouveaux chercheurs?
Il faut bien s’entourer : de gens inspirants et de confiance. Aussi, il faut trouver un sujet qui nous passionne réellement, parce que notre vie sera consacrée à travailler tous les jours et à développer notre expertise, il faut aimer ça jusqu’au fond des tripes.
Quel métier rêviez-vous de faire quand vous étiez petite?
J’ai d’abord voulu être professeure au primaire, puis médecin, pour aider les gens. J’ai plus tard réalisé, au courant de mes études, que le métier d’infirmière me permettait d’être plus près des gens, physiquement et émotivement, et de développer des liens privilégiés.
Quel est le lieu ou l’activité qui vous stimule/inspire/apaise dans votre quotidien?
Ce qui me fait du bien, c’est de passer du temps avec ma famille et mon chien. Ils me permettent de m’arrêter, de prendre une pause, de sortir dehors et de profiter de l’instant présent. J’apprécie aussi être sur l’eau, surtout sur une planche à pagaie. C’est tellement apaisant!