Dans le cadre de la semaine de la prévention du suicide, le CR-IUSMM présente le portrait du docteur Réal Labelle. Professeur titulaire de psychologie clinique et chercheur spécialisé dans l’étude, l’évaluation et le traitement psychologique des troubles de l’humeur avec ou sans comportements suicidaires, il est aussi membre de l’Ordre des psychologues du Québec depuis 1989. Il a reçu un enseignement complet de la psychologie à l’Université de Montréal. À cette formation s’ajoutent des stages au Behavior Therapy Unit (Hôpital Douglas), au Module de thérapie du comportement (Hôpital Louis-H. Lafontaine), au Beck Cognitive Therapy and Research (Université de Pennsylvanie), au Behavioral Tech Research (Université du Minnesota) et au Centre for Mindfulness Studies (Université de Toronto).
C’est la soif d’apprendre et de vivre qu’il l’a animé tout au long de sa formation universitaire, un cheminement académique jalonné d’événements marquants et de rencontres avec des personnes significatives. Il se souvient notamment de son premier engagement comme bachelier à la Table de prévention du suicide à l’Université de Montréal. C’est là qu’il rencontre Monique Morval, devenue par la suite sa directrice de recherche à la maîtrise et au doctorat, dont les connaissances, l’écoute et les encouragements l’ont fortement impressionné. Étudiant, c’est grâce à ses conseils qu’il se développe et se dépasse. Elle l’initie à l’analyse des mécanismes de défense d’Anna Freud et l’oriente vers l’étude des processus cognitifs d’Aaron Beck. Elle lui fait confiance et lui demande de la remplacer et de prononcer sa conférence dans un congrès international à Vancouver où il côtoie des sommités en suicidologie comme Edwin Shneidman, professeur émérite à la prestigieuse Université californienne de Los Angeles. Pour le docteur Réal Labelle, c’est un tournant : il aspire à une carrière de recherche, d’enseignement et de praticien en psychologie scientifique et clinique.
Quelle est la réalisation dont le docteur Réal Labelle est le plus fier dans sa carrière?
C’est d’avoir pu combiner, au fil du temps, des activités académiques et humanitaires. Son programme d’études supérieures reposant sur un modèle de praticien chercheur et sa participation à Jeunesse Canada-Monde en Bolivie l’ont influencé. Après l’obtention de son doctorat en psychologie clinique et sa mission à l’étranger, il commence une carrière académique (professeur universitaire et chercheur scientifique) et humanitaire (psychologue clinicien et volontaire international). Ce faisant, il contribue à l’avancement des connaissances dans son domaine d’étude, à l’application des meilleures pratiques dans son champ professionnel et à l’amélioration de la santé mentale des plus démunis. Bien qu’il ne compte plus vraiment, il estime avoir publié environ 100 articles, prononcé plus de 200 conférences, formé environ 150 psychologues, diplômé à peu près 25 étudiants (maîtrise et doctorat) et participé à 15 missions à l’étranger au Moyen-Orient, en Afrique, en Europe, en Asie de l’Est et en Amérique du Sud. En outre, il aurait généré quelque quatre millions de dollars de fonds de recherche (en groupe ou en individuel). En résumé, il espère avoir fait une différence en prévention du suicide.
Qu’est-ce qui le motive à poursuivre ses recherches?
D’abord, ce sont les petits bonheurs au quotidien : un étudiant qui vient lui présenter ses résultats de recherche; un collègue qui l’invite à un congrès pour présenter ses travaux dans un pays reculé; la publication d’un article scientifique à son nom après des refus antérieurs; une personne aidée et heureuse rencontrée quelques années plus tard; le sourire en coin des jeunes en difficulté après des interventions à l’international; la satisfaction de monter sur scène, à la Place des Arts, pour remettre un doctorat aux récents diplômés, etc. Ensuite, c’est la volonté de continuer à prévenir, évaluer et traiter psychologiquement les personnes vulnérables et en mal de vivre en ciblant de nouvelles avenues de recherche. Il ne faut pas oublier qu’au Canada, environ 11 % des hommes et 16 % des femmes feront une dépression au cours de leur vie et il y a 12 décès par suicide chaque jour. Beaucoup de Canadiens ont souffert de dépression, eu des comportements suicidaires ou les deux. C’est pourquoi il est essentiel de poursuivre la recherche dans ce domaine. Aujourd’hui, le docteur Labelle s’intéresse aux variables liées aux liens relationnels et au sens existentiel. Ce qui nous distingue des autres espaces vivants, c’est le langage, la parole. La diminution des échanges affectifs et vivifiants avec l’autre semble caractériser de plus en plus le mal-être humain.
En plus d’exploiter une banque de données provenant de dossiers cliniques, il aimerait, dans un avenir proche, travailler sur le récit et le narratif des histoires de vie de personnes heureuses et malheureuses.
Quels conseils pourrait-il transmettre à de jeunes chercheurs?
Trois éléments lui viennent spontanément en tête. Primo, cultiver la créativité et la persévérance. Le travail de chercheur demande de la curiosité et de la discipline. Secundo, il importe de s’entourer des meilleurs professeurs et chercheurs. Aller là où on peut développer son plein potentiel. Être libre penseur, défenseur de la science, producteur de connaissances et éclairant pour les autres. Tertio, consacrer beaucoup de temps et d’énergie aux études, aux congrès, aux colloques et aux engagements citoyens. Ce sont les apprentissages dans les livres, dans les cours, les voyages et les relations qui forment les meilleurs scientifiques et praticiens.
Quel métier rêvait-il de faire quand il était petit?
La musique fut son premier amour. Enfant, il aimait les livres parlant et les contes musicaux. Puis à l’adolescence, il a étudié le piano à l’école de musique Vincent-d’Indy. À l’occasion, il rêvait de devenir concertiste et enseignant. Or, il n’a jamais eu une très bonne mémoire à court terme pour retenir des milliers de notes. Malgré tout, cette formation musicale l’a ouvert au monde des arts et des sciences. En effet, la musique représente pour lui une relation poreuse entre un langage émotionnel (connexe à l’esthétique) et des ondes sonores (relatives à l’arithmétique) exprimant une activité humaine merveilleuse. Il poursuit donc ses études collégiales en philosophie, en psychologie et en mathématique. Et, c’est à l’université qu’il apprend la méthode et la rigueur de la recherche et de la clinique en santé mentale.
Quelle activité le stimule, l’inspire ou l’apaise dans son quotidien?
En vieillissant, il affectionne les activités et les endroits inspirants et calmes. Il aime le silence et le sacré des bibliothèques, des monastères, des cathédrales et des musées. Il aime les salles de concert, ces sanctuaires de beauté architecturale où l’on partage des moments de grâce. Il aime la lecture et la marche qui lui permettent d’avoir accès à soi, aux autres et au monde.